Beri Boys Club de Bonabéri à la scene nationale, anatomie d’un collectif qui apporte de nouvelles nuances à la musique camerounaise

Né à Bonabéri en 2014 et relancé en 2024, Beri Boys Club incarne la nouvelle scène rap camerounaise. Analyse critique et stratégique.

Dans le bouillonnement de la musique urbaine camerounaise, un nom revient avec insistance : Beri Boys Club. Ce groupe camerounais émergent, originaire de Bonabéri (Douala), s’impose comme une formation singulière, capable d’articuler l’ancrage local à une ambition diasporique. Entre rap camerounais, afrosoul et trap, le collectif développe une identité hybride et cohérente, qui le positionne déjà comme l’un des projets les plus prometteurs de sa génération.

Bonabéri comme matrice symbolique

Le Beri Boys Club ne se contente pas d’être un groupe de musique : il transforme Bonabéri en mythe fondateur. Ce quartier périphérique de Douala devient à la fois territoire identitaire, ressource narrative et stratégie de légitimation. En érigeant ce lieu en matrice culturelle, le collectif propose une géopoétique où le local devient universel. Cette démarche leur permet d’incarner un récit de quartier, tout en parlant à la diaspora camerounaise et africaine.

Structure du collectif et voix plurielles

Composé de quatre membres (Orock, Djibril’zer, Hookah, Tasse), le Beri Boys Club se distingue par une dynamique de polyphonie. Chaque voix, chaque flow, chaque registre narratif vient enrichir la texture globale. Ce dispositif rappelle la tradition des crews majeurs du rap mondial (Wu-Tang Clan, Migos) : l’individualité n’est pas dissoute dans le collectif, elle est orchestrée pour créer un équilibre de subjectivités.

Esthétique sonore : hybridation et transculturation

Le style du Beri Boys Club relève d’une hybridation sophistiquée. On y retrouve des nappes afrosoul, des rythmiques trap, des touches de boom-bap modernisé, et des insertions percussives qui convoquent les idiomes camerounais. Cette fusion n’est pas artificielle : elle procède d’une véritable transculturation sonore, où la tradition se trouve réinterprétée à travers des formats contemporains, propres au rap et aux musiques urbaines mondiales.

Analyse de morceaux emblématiques

  • « Kado » : titre manifeste, entre mélodie R&B et beat trap, conçu comme carte d’identité sonore du collectif.
  • « On Fonctionne » : hymne de cohésion, pensé pour la scène, qui incarne l’énergie collective du groupe.
  • « Nous Deux » (feat. Bvfy) : morceau narratif à la sensibilité pop-soul, preuve de leur capacité à sortir du strict rap pour explorer des registres émotionnels.
  • « Té Té Ri Té » / « Waka Waka » : exemples de morceaux où la réinvention des rythmes locaux traduit un ancrage culturel profond.

Iconographie et scène : branding culturel

Au-delà de la musique, le Beri Boys Club soigne son image : clips nocturnes, stylisme travaillé, mise en scène cinématographique. Leur concert à Bonabéri en mai 2025 fut plus qu’une performance : un rituel symbolique, une réaffirmation territoriale. Ils construisent ainsi une marque culturelle, où l’esthétique visuelle dialogue avec l’identité sonore.

Forces et fragilités stratégiques

  • Forces : narration territoriale forte, hybridation musicale, pipeline de production structuré (EP → Deluxe → singles → concerts).
  • Fragilités : risque de dilution identitaire par excès d’hybridation, nécessité d’un management plus professionnel pour franchir le palier continental, tension possible entre ambitions individuelles et cohésion du collectif.
  • Enjeux : transformer la promesse locale en signature internationale, en consolidant leur position dans le rap camerounais et au-delà.

Conclusion

Le Beri Boys Club n’est pas un simple groupe émergent : c’est un projet artistique complet, qui articule identité locale, hybridation musicale et ambition internationale. Bonabéri devient le point de départ d’un récit qui parle autant au Cameroun qu’à la diaspora. Leur avenir dépendra de leur capacité à cristalliser une signature sonore propre et à s’implanter dans les réseaux professionnels transnationaux. S’ils réussissent ce pari, le rap camerounais pourrait bien trouver en eux un nouvel ambassadeur crédible et durable.

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