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Une discussion avec Sidy Talla, père fondateur du beatmaking sénégalais

Producteur, beatmaker, compositeur, à la tête du label 2Bedaxe Musik et fondateur des soirées Listen2Beats. Sidy Talla est l’un des acteurs phare de la scène hip-hop rap sénégalaise. Avec son dernier opus « Tefes » il propose un EP instrumental nourrit d’influences africaines, hip-hop, Jazz… On a eut l’occasion de s’entretenir avec l’artiste mais aussi l’homme. Parcours, musique, projets… Retrouvez sans attendre notre échange avec Sidy Talla !

ASAMAAN : Tu es compositeur, beatmaker, producteur, arrangeur. Tu as plus de 15 ans d’activité dans la sphère musicale. Je dirais même que tu fais partie des pères fondateurs de la musique urbaine sénégalaise. De plus tu as créé ton propre label 2bedaxe Musik qui a vu naître des artistes émergents  Et tu es à l’initiative des soirées Listen2Beats, peux-tu te présenter, nous parler de tes des débuts ? De ton parcours ? 

Sidy Talla : Je m’appelle Sidy Talla plus connue sous le nom de Diss 2bedaxe. J’ai commencé en 1998 quand je fréquentais mon grand frère Fou Malade du groupe Bataillon Blindé. À l’époque je dessinais très bien. J’ai été influencé par la cover de l’album FRERES ENEMIS de Bibson ak Xuman. C’étaient deux gars ; dessinés à la main – qui se disputaient un micro. C’est à partir de là que j’ai commencé à être amoureux et fan du graffiti. À cette époque Fou Maladem’avait acheté un paquet de crayons; c’est par là que j’ai fait mes premiers graffs en côtoyant Docta, père des graffeurs sénégalais. Après, je fessais les fonds de scènes du groupe Bataillon Blindé. Quelque temps après j’ai commencé à assister à leurs répétitions, je volais certains de leurs textes, leurs brouillons. Quand j’ai quitté Pikine pour déménager à Sacré Coeur, j’ai créé mon premier groupe de rap 2Bedaxe Music, c’était une bande d’amis. Avant la création du groupe, je me suis essayé à la danse. Je traînais avec des potes danseurs qui m’avaient influencé à faire de la danse, mais j’ai arrêté pour me concentrer au rap.

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« Au début, c’était simple, il n’y avait aucune ambition derrière. C’était juste une bande d’amis qui s’inspiraient les uns des autres. » – Sidy Talla

On s’est rendu compte à chaque fois qu’on allait dans des concerts que presque tout le monde avait le même instrumental, il n’y avait pas d’authenticité. On s’est dit qu’il fallait un beatmaker dans le groupe. J’ai été le premier à me porter volontaire. J’avais le matos, je me débrouillais tout seul. Un ami m’avait passé un CD dans lequel il y ‘avait tous les logiciels de musique. C’était la débrouillardise ! Il n’y avait personne qui te donnait des explications. 2Bedaxe Music est un label de musique qui fait la promo des artistes émergent Wzaa, RK, Nunez… C’est une très grande expérience, ça te permet de mieux comprendre comment se passe le marché.

Je rebondis sur ce que tu viens de dire concernant ton parcours quand tu dis avoir commencé avec le graff puis le rap pour terminer avec le beatmaking. Qu’est-ce que tu as trouvé de plaisant dans le beatmaking que tu n’as pas forcement retrouvé dans le graffiti ou en tant que rappeur ?

SIDY TALLA : En tant que rappeur j’étais moyen et j’ai vu qu’il nous manquait beaucoup de choses par rapport aux efforts que les autres fessaient ; les répétitions, le trac sur scène toutes ces choses-là. J’ai appelé mes gars, je leur ai dit que c’était intéressant d’être rappeur, mais il faut que chacun évolue dans son domaine de compétence pour l’avancement du hip-hop. C’est la première chose qui m’a poussée à être beatmaker.

J’ai appris lors d’une interview donnée à un média sénégalais que tu fessais de la musique en cachette parce que ton frère, ton ainé, voulait que tu te concentres sur ta scolarité. Et toi un peu têtu, tu avais dit ; Ok, mais à demi mot, derrière tu continuais à exercer ta passion. Du coup à un moment donné, il a bien fallu que tu t’affirmes face à ton entourage ? Comment s’est passé la confrontation ?

Sidy Talla : On est issue d’une grande famille, il fallait se débrouiller à l’école avant de faire quoique ce soit. Le problème qu’il y a dans certaines familles, c’est que l’on n’encadre pas les enfants dans leurs passions. Les familles, souvent, te tracent un seul chemin que tu dois obligatoirement suivre, donc c’était compliqué au début. Ce qui m’a aidé c’est qu’il n’y avait pas internet. Je pouvais jouer dans plusieurs concerts sans que personne ne soit au courant. Heureusement, à un moment donné, les gens finissent par accepter ta passion lorsque ça génère un peu d’argent. Comme je n’avais pas assez d’expériences et d’arguments pour me défendre, c’était compliqué, je le faisais en cachette. Dès que j’ai eu assez d’expérience dans le domaine, je l’ai défendu. Aujourd’hui, j’ai souvent beaucoup d’enfants qui viennent vers moi pour apprendre le beatmaking.

En 2015 tu as produit ton premier grand featuring avec Rex T : « Formule 1 » ou l’on retrouvait des rappeurs de renommer tels que Ndongo D de Daara J Family, Simon, mais aussi des jeunes artistes comme le groupe Skillaz. Comment tu as vécu cette première grande expérience ? Quelles leçons tu tires d’elles ?

SIDY TALLA : FORMULE 1 m’a valu beaucoup d’ouverture et de satisfaction. Au début, il n’y avait pas cette reconnaissance autour de mon travail. Il a fallu que Rex T d’Alien Zik ( que je salue ) me fasse confiance. On avait cette idée de faire un son. Il m’a dit : pourquoi ne pas inclure plusieurs artistes ? C’est partie de là. C’était ma première grande expérience, mais aussi l’une des plus belles.

Rex-T-lofficel · REX-T – FORMULE 1 feat Sanzala, Flexo, Lou Evora & F.Manel…

Je suis pas mal ton travail notamment sur les réseaux sociaux, souvent on a l’occasion d’échanger et un trait de caractère qui ressort de toi c’est ton ouverture d’esprit tu es touche-à-tout. Tu ne te limites pas, tu te pousses à être curieux. Par rapport à ton second projet qu’est « Diss-Connexion » en l’écoutant on a l’impression que c’est un opus très philosophique basé sur tes goûts, tes valeurs, ta personnalité, comment tu perçois la musique. Diss-Connexion est aussi plus personnel le plus et ça, c’est quand même important parce qu’étant ton premier projet, on sent que tu as tout de suite voulu te raconter à travers celui-ci. Alors, que « Doxe Daje », ton second projet est moins intimiste, c’est plus un travail de groupe avec toutes ses collaborations. Quant à « Tefes » c’est un petit projet, un amuse-bouche où on sent que tu ne veux pas trop en montrer, tu dévoiles le juste milieu. Alors ma question est: Waves le projet que tu annonces depuis quelques mois, que nous réserve t-il ? Quelle direction compte t-il prendre ?

SIDY TALLA : Depuis tout petit je suis dans l’ouverture, j’essaye de m’ouvrir au monde, d’apprendre de chacun. Dieu n’a pas créé la terre en une journée, il a étalé ça sur plusieurs jours. J’essaye aussi de fusionner, la musique, ce sont des compositions et qui dit compassion dit assemblage de plusieurs choses donc Diss-Connexion c’était vraiment un projet très personnel qu’il fallait marquer, sortir, qu’il fallait bosser et proposer aux gens une bonne démarche du beatmaking. Parce que c’était le premier projet 100% instrumentaux au Sénégal qui avait eu une promotion de grande taille, les gens n’avaient pas l’habitude de voir des projets instrumental. Je suis le premier à le faire en faisant des presta-scènes à l’étranger. Le jour de la présentation du projet j’avais invité des artistes à venir prester sur chacun des instrus. DOX DAJE est spéciale, c’est un projet ou des beatmakers font des collaborations avec d’autres beatmakers. Waves c’est beaucoup de sonorités, beaucoup d’ouvertures, beaucoup de musicalité, c’est plus dope que TEFES.

Par rapport à ce nouveau projet Tefes ( la plage en Wolof ) sorti en décembre 2019. Qu’est-ce qui t’a emmené directement à la plage, pourquoi la plage ?

SIDY TALLA  : Je considère la plage comme une banque mondiale de secret. On dit dans le langage Wolof que même les murs ont des oreilles, on n’a jamais entendu dire que la plage comptait divulguer nos secrets et c’est rassurant et le bruit des vagues diminuent le stress. À chaque fois que je vais à la plage, j’imagine, comment Dieu a créé le monde. Comment il a fait pour que cette plage soit celle-là. L’eau, les vagues, l’ambiance, ça m’inspire beaucoup. Ça m’a inspiré dans la direction artistique du projet.

Pour ce projet, je me suis tué, j’ai associé des musiciens: saxophoniste, guitariste solo et joueur de Kora pour que ça paraisse plus naturel, plus nostalgique.

https://www.youtube.com/watch?v=spKXGWfuayI

Concernant Waves peux-tu me dire ce que tu nous prépares ? Tu as quelques noms à nous donner pour les featurings ?

SIDY TALLA : Pour WAVES je peux dire que tout est fini. La tracklist est prête, mais je dois juste approfondir avec quelques feats côté musiciens. Il y a un son déjà enregistré depuis deux (2) ans avec Flexo et Fla The Ripper.

Tu es devenu papa pour la deuxième fois, qu’est-ce que le fait d’être père a pu t’apporter dans ta manière de travailler ?

SIDY TALLA : Le fait d’être parent m’a beaucoup aidé et m’a permis de regarder d’un autre angle la vie, d’apprécier les merveilles de la vie, ça m’aide aussi à composer à apprendre aux enfants comment faire un son. C’est inexplicable et plein d’émotions.

Tu as lancé les soirées Listen2beats peux-tu nous en parler plus en détails ? Quand est-ce que tu t’es rendu compte que les beatmakers étaient invisibles dans la sphère musicale ?

SIDY TALLA : J’avais remarqué qu’au Sénégal tant que ton travail n’est pas assez médiatisé les gens ne te respectent pas. Je me suis dit que l’artiste n’est pas plus important dans l’algorithme du son donc il faut que nous, beatmaker aussi q’on fasse notre chemin, qu’on fasse nos propres productions par exemple souvent un artiste ne vient pas juste travailler avec un beatmaker, mais il vient avec plusieurs beatmakers. Le travail de ce dernier (le beatmaker) mérite d’être valorisé il y a la voix et le son, tu n’as jamais entendu un album a cappella, l’instrumental est une partie très importante du son.

Les beatmakers émergent viennent très nombreux de jour en jour et je me suis dit qu’il fallait qu’on marque le pas. Il faut qu’on montre le chemin même si moi quand j’ai commencé le beatmaking je n’avais pas de soutien. En tant que grand frère, je devais donner le coup de pouce.

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Comment Listen2Beats a réussi à s’insérer dans la sphère urbaine musicale sénégalaise, quand tu te retrouves avec les autres beatmakers de la place de quoi parler vous ? Quelles sont les histoires que vous vous racontez ?

SIDY TALLA : Listen2Beats est à sa huitième édition et on l’a fêté (la huitième édition) le 14 décembre 2019, Listen2beats s’est fait tout seul, parce que je revenais d’un voyage d’Europe, une nouvelle expérience j’ai rencontré pas mal de professionnel de la musique, j’ai vu comment ils s’organisaient je me suis dit en tant qu’artiste j’allais me bouquer sur 8 mois, chaque année il y aura au minimum huit dates j’ai compris que les gens avaient besoin de ça, pas que de rap, les gens ont envie d’écouter de la bonne musique, et pour ça les beatmakers peuvent gérer. Quand j’invite les beatmakers je leur dis qu’ils représentent une part très importante dans l’algorithme du son il faut qu’on nous reconnaisse, comme je te l’ai dit au Sénégal quand tu n’es pas au-devant de la scène les gens ne respectent pas ton travail donc tous les beat makers ont tous adhéré à l’idée de donner plus de valeurs à leur travail, on se respecte on se partage des banques de sons, on se fréquente, chacun gagne sa part du marché.

Tu as dit lors d’une interview accordée au média IGFM  » On n’a pas pu créer une économie autour de la musique » aujourd’hui toi en tant qu’acteur qu’elle est ta vision à long terme de Listen2Beats ?

SIDY TALLA : Les objectifs sont d’organiser un festival de musique, mon idéal c’est d’organiser un festival de beatmaking en 2018 il y a Carismatik Diksa beatmaker d’Alien Zik qui a organisé le premier festival de beatmaking au Sénégal et j’aimerais aussi continuer des formations de beatmaking, apprendre aux jeunes comment manager leur projet, comment vendre leur instrumental comment s’imposer se positionner, j’ai donné en décembre un première formation à 12 jeunes beatmakers. Et pour créer cette économie autour du beatmaking je pense que Listen2beats est un bon début, je continue de créer de l’affinité entre moi et les autres beatmakers, je crée des talk-stations pour « discuter autour d’une table ».

Quand tu as un projet au Sénégal, les gens ne te soutiennent pas à 100% il n’y a pas de confiance pour avancer, il faut créer cette relation entre beatmaker.

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« Si on veut que les choses évoluent et avancent, il faut que chacun évolue dans son domaine de compétence. Pour concurrencer le marcher international, il faut qu’on y trouve nos musiques. »

– Sidy Talla

Une dernière question pour toi quels conseils donnerais-tu à un jeune désireux de se lancer dans le beatmaking ?

SIDY TALLA : En premier c’est qu’il soit vraiment passionné, ensuite, qu’il soit sérieux et qu’il soit original, c’est-à-dire qu’il ne soit pas comme les autres qu’il est sa propre touche pour se faire un nom.

Merci Sidy Talla d’avoir donné de ton temps pour cet échange si riche, je te dis à la prochaine !