Liz Gomis, journaliste et réalisatrice franco-sénégalaise met en lumière une série de portraits documentés sur des africaines combattantes et passionnées, déterminées à changer leur destin en dépit de leur environnement respectif.
Une Afrique dynamique, qui en veut plus, qui rêve en grand à travers sa jeunesse et la femme en particulier. Ce qui ressort du récent court métrage de la journaliste et réalisatrice Liz Gomis. Accessible sur la plateforme Youtube, la série «Africa Demain» entraîne le cinéphile à la découverte de six jeunes africaines engagées, une génération de combattantes férues de défis, décidées à casser les stéréotypes, rehausser l’image et l’estime de la femme sur le continent. De Kigali au Rwanda en passant par Nairobi au Kenya et Dakar au Sénégal, l’objectif de la réalisatrice a capté le quotidien de ces dames, marqué par des origines plus ou moins modestes, un vécu dans des ghettos, en proie aux violences, à la marginalisation… Un leitmotiv identique cependant les unit : toujours se dépasser face aux handicaps. Le film tient en haleine de bout en bout.
Kariobangi, immense bidonville de Nairobi, antre de misère et promiscuité criardes. C’est aussi le lieu de résidence de Stacey Ayoma, 21 ans. Une des révélations d’Africa Demain contée en une dizaine de minutes. Son histoire est rude comme la discipline qu’elle a embrassée corps et âme au mépris des clichés sexistes. Coups de poing, directs, droites, uppercuts, l’univers de la boxeuse est identique dans la vraie vie comme sur le ring. Une «combattante» qui a transcendé difficultés ambiantes, abus sexuels pour s’ériger en modèledes jeunes filles de ce quartier difficile auxquelles elle transmet volontiers ses savoirs et son état d’esprit. Beaucoup ont enfilé des gants à sa suite et pratiquent la boxe dans un centre d’apprentissage local à ses côtés pour se «sentir bien», «protéger les plus vulnérables» et aussi l’accompagner vers son rêve : participer aux jeux olympiques de 2024 en France.

LE DEPASSEMENT DE SOI
Plus loin, le film déroule le portrait de Inna, photographe sénégalaise devenue l’incontournable pour immortaliser les festivals de musique et danse du pays. L’«indépendante» a été happée par les basses du studio d’enregistrement de l’association Africulturban, un centre de ressources et de compétences en hip-hop et cultures urbaines situé à Pikim, quartier populaire de Dakar où elle a grandi. Par son charisme et son caractère bien trempé, elle se révèle en prenant en charge le centre d’archives de l’association et se démarque à travers la photographie et pas que puisqu’elle sort aussi son premier livre, un récit quasi autobiographique sur les violences sexuelles. Son objectif est de libérer la parole pour les victimes dans une société encore pudique.
Cheryl est une artiste rwandaise à multiple casquettes. A la fois auteur-compositeur, actrice poète et adepte de l’art performance, cette touche à tout enfile chaque rôle comme un gant, selon son humeur pourvu qu’il véhicule ses idées émancipatrices. Décomplexée, provocatrice, la «résistante» issue de la génération post-génocide se veut en rupture avec le modèle résilient et sage. Elle surfe allègrement sur les limites de la bienséance n’hésitant pas à exhiber son corps longiligne, ses courbes voluptueuses pour créer un électrochoc auprès de ses compatriotes, imprimer sa «Rwandan Touch» face à la puissance créative du reste du continent.
Le court métrage Africa Demain rappelle un autre documentaire de Mme Gomis dénommé Africa Riding, une websérie allant à la rencontre de «riders» africains du Ghana au Rwanda, en passant par le Sénégal et l’Ouganda qui montrait plutôt la passion des jeunes pour l’art de la glisse. La journaliste est aussi fondatrice du magazine sur support papier Off To, une publication tournée vers l’Afrique dont le but est de déconstruire certaines idées préconçues sur le continent. Liz Gomis est membre du nouveau Conseil présidentiel pour l’Afrique, créé en 2017 par Emmanuel Macron, chef de l’Etat français pour donner un nouveau visage aux relations entre la France et l’Afrique. Elle travaille aussi a travers cet organe sur la restauration et la numérisation de films africains.
https://www.youtube.com/watch?v=_effFo7yQOM&t=2s